- IONIENNES (ÎLES)
- IONIENNES (ÎLES)IONIENNES ÎLESLes îles Ioniennes, ou Heptanèse (du nord au sud: Corfou, Paxos et Antipaxos, Leucade, Céphalonie, Ithaque, Zante), jalonnent la façade occidentale de la Grèce. Elles ont en commun de nombreux points: leur proximité de l’Italie, leur sensibilité aux séismes, leur climat méditerranéen adouci par quelques pluies d’ouest en été, l’importance de leurs oliveraies et de leurs vignobles. Situées sur la frontière historique de l’Occident et du Levant, elles présentent aussi une série de traits caractéristiques dans leur histoire moderne qui les différencient des régions de la Grèce centrale, de sorte que les historiens ont employé le terme «civilisation des sept îles» pour désigner l’entité historique et culturelle que la domination occidentale, et en particulier les contacts avec l’Italie, a créée dans cet ensemble insulaire.La domination vénitienne qui succède à celle des Francs s’établit en plusieurs étapes de la fin du XIVe siècle au XVIIIe siècle. L’administration est assumée par les Vénitiens: le chef suprême, le Provveditore generale da Mar , réside à Corfou, et chaque île a son gouvernement local. La société comporte trois classes: les nobles, dont les revenus sont d’origine rurale et, parfois, féodale; les citadins, qui vivent du commerce, de l’artisanat et de l’exercice d’un certain nombre de métiers organisés en corporations; enfin, les paysans qui sont les plus nombreux; il est possible à certains citadins, bourgeois enrichis, d’accéder à la noblesse. L’administration communale s’exerce par deux institutions issues de la noblesse, le Grand et le Petit Conseil, et par une institution citadine pour les villes où la noblesse n’existait pas, le Conseil civil.Insérées dans le système économique de Venise, les îles ne développent que les productions qui intéressent la métropole: huile et raisins secs; de lourds impôts d’exportation empêchent le développement du commerce qui se fait obligatoirement avec Venise ou par son intermédiaire. Les douanes assurent à Venise la plus grande partie des revenus qu’elle tire des îles et qui dépassent largement leurs propres dépenses.La domination vénitienne offre aux classes dirigeantes un modèle social et culturel. Les familles nobles et les citadins riches envoient leurs enfants à l’université de Padoue; il se forme ainsi une élite qui s’exprime en italien. Cependant, les contacts avec l’Église et la culture traditionnelle, ainsi que la répercussion des idées de la Renaissance puis de l’illuminisme, ont créé une littérature hellénophone qui trouvera son apogée au XIXe siècle dans l’œuvre poétique de Dionysios Solomos.La première domination française en 1797 fait des îles un territoire français; elle abolit les restrictions sur le commerce et l’artisanat, établit l’égalité des droits et pose les fondements de l’enseignement. Les idées de la Révolution française gagnent les villes, mais non les campagnes: leur diffusion s’accompagne de la propagation de l’idée de la libération nationale. La République des sept îles, qui se crée après la victoire des Russes, se dote en 1800 d’une Constitution qui sauvegarde les privilèges de la noblesse, mais qui accorde, aussi, le droit de vote aux citadins; le gouvernement (senato ) siège à Corfou et il est composé de treize ministres (senatori ) représentant les îles. Le corps électoral de chaque île forme, comme à l’époque de la domination vénitienne, un Grand Conseil qui élit le Petit Conseil, le gouvernement local et les représentants au gouvernement central. La République est contrôlée par les nobles, ce qui provoque des réactions qui vont même jusqu’à la sédition; en 1802 et en 1803 interviennent certaines réformes qui favorisent plutôt les nobles que les citadins. Du point de vue du droit international, la République des sept îles constitue un État vassal de la Porte, à laquelle elle verse un tribut de 75 000 piastres tous les trois ans, et ayant la garantie du tsar; l’emprise de la Porte sur les îles est minime: elles sont contrôlées en réalité par les Russes. La République obtient des résultats positifs dans le domaine des finances et de l’enseignement; les lettres sont encouragées, mais les publications (4 journaux et revues à Corfou) utilisent essentiellement l’italien. Lors de la deuxième domination française, à partir de 1807, les îles ne sont pas annexées à la France; contrairement aux dispositions du traité de Tilsit, le système mis en place subsiste. Le blocus continental pèse lourdement sur l’économie des îles, dont les finances subissent une hémorragie grave à cause des dépenses destinées à l’armée française.Le traité de Paris de 1815 transforme les îles en protectorat britannique. En théorie, il s’agit d’un État «libre et indépendant» sous l’appellation «États unis des îles ioniennes», représenté à l’extérieur par le roi d’Angleterre. En réalité, il s’agit d’un État autonome sans existence internationale et obligé d’accepter une Constitution despotique (1817). La langue grecque, reconnue comme langue officielle, n’est utilisée qu’en 1852; l’Assemblée et le Sénat (gouvernement qui nomme aussi les pouvoirs locaux) se trouvent sous le contrôle d’un haut commissaire du roi.La domination britannique entraîne la pénétration du capital anglais qui contrôle la Banque ionienne (1839) ainsi que les marchands ioniens endettés; les anciennes familles nobles et la paysannerie sont ruinées; l’artisanat se limite au marché intérieur et il se dégrade à cause de la concurrence des produits britanniques importés; le pavillon ionien ne représente qu’environ le cinquième des entrées et des sorties.La résistance contre les Britanniques s’exprime par des jacqueries et, surtout, par les luttes politiques menées par le parti des réformateurs et par celui des radicaux qui demandent l’union avec la Grèce; les Britanniques s’appuient sur les nobles. En 1848 se réalisent des réformes et s’établit la liberté de la presse; en 1850, les radicaux soumettent à la IXe Assemblée une motion proclamant l’union avec la Grèce qui se réalise en 1864 (traité de Londres). Cependant, l’union permettait à la Grande-Bretagne de consolider son influence à Athènes, ce qui provoqua les vives critiques de l’aile gauche du parti radical qui parlait de transfert «du haut commissaire de Corfou à Athènes».Les îles Ioniennes ont souvent servi de refuge aux populations grecques du continent et du Péloponnèse. Elles doivent à ce rôle un peuplement dense encore abondant bien qu’en régression (191 003 hab. en 1991 contre 228 000 en 1951). Leurs habitants ne tiraient directement de la mer qu’une faible part de leurs ressources; ils ont développé la pisciculture dont un centre important se trouve à Livadi (Céphalonie). En majorité paysans, ils ne disposent que de terres trop exiguës. L’exode rural, qui s’accompagne parfois du départ d’agriculteurs pour des cantons peu peuplés d’Acarnanie ou d’Élide, fut facilité par les structures agraires inégalitaires (Zante) et accéléré par des séismes destructeurs (Céphalonie).Ces tendances communes s’expriment dans des paysages distincts; Céphalonie et Leucade sont plus montagneuses et d’allure plus sèche que Corfou et Zante. Mais les différences entre ces îles reposent essentiellement sur leurs types de relations avec l’extérieur: Corfou (105 000 hab. en 1991), depuis longtemps pénétrée par le tourisme international, a moins de liens avec l’Épire qu’avec Athènes; elle possède un aéroport international. Leucade (21 000 hab.) entretient des relations étroites avec le département d’Étolie-Acarnanie; elle vit de son agriculture et du tourisme; de même que Céphalonie (33 000 hab.), Ithaque et Zante (32 000 hab.), desservies par le port de Patras.
Encyclopédie Universelle. 2012.